Tout savoir sur la détention provisoire
La détention provisoire consiste à utiliser une mesure privative de liberté avant la phase de jugement. En vertu de la présomption d’innocence, toute personne doit, en principe, demeurer libre jusqu’à ce qu’elle soit jugée et reconnue coupable. Aussi, la détention provisoire doit rester exceptionnelle. Dès lors, elle n’est envisagée que dans des cas précis encadrés par le Code de procédure pénale. Conditions, procédure et recours, Alter Avocats vous explique tout ce que vous devez savoir sur la détention provisoire.
Qu’est-ce que la détention provisoire ?
La détention provisoire désigne l’incarcération d’une personne à qui on reproche d’avoir commis une infraction, dans l’attente de son procès.
Cette mesure privative de liberté intervient après une décision du juge des libertés et de la détention (JLD), à la suite d’une demande du juge d’instruction ou, dans certains cas, du procureur de la République.
Elle ne constitue pas une peine, car la personne concernée n’a pas encore été jugée. La détention provisoire s’inscrit dans le cadre de l’enquête judiciaire et a pour but de sécuriser la procédure tout en respectant les droits de la défense.
Plusieurs types de procédures peuvent conduire à un placement en détention provisoire. Cependant, en tant qu’exception au principe fondamental de liberté, cette mesure n’est décidée que sous certaines conditions strictes.
Quelles sont les conditions du placement en détention provisoire ?
Conditions légales communes
- Nature de l’infraction : la personne mise en examen doit encourir une peine criminelle ou une peine d’emprisonnement d’au moins 3 ans.
- Alternatives insuffisantes : la détention provisoire ne peut être ordonnée que si, compte tenu de la situation, les alternatives comme le contrôle judiciaire (CJ) ou l’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) sont jugées inappropriées.
Objectifs justifiant la détention provisoire
Pour être possible, la détention provisoire doit répondre à au moins l’un des objectifs suivants :
- Conserver les preuves nécessaires à la manifestation de la vérité.
- Empêcher toute pression sur les témoins, les victimes ou leurs proches.
- Prévenir une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et d’éventuels complices.
- Protéger la personne prévenue ou accusée contre d’éventuels risques de représailles.
- Garantir la présence de la personne à la disposition de la justice.
- Mettre fin à l’infraction ou empêcher sa réitération.
- Mettre fin au trouble à l’ordre public.
- Exemple
Une personne est mise en examen pour sa participation à un attentat terroriste qui a causé de nombreuses victimes et un choc profond au sein de la société. Le climat de peur persiste longtemps après les faits, avec une couverture médiatique intense et une attention publique permanente. La gravité de l’infraction et l’ampleur des conséquences créent alors ce que l’on appelle un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public notamment en raison des risques de récidive, de la menace sécuritaire latente, et de la crainte qu’une libération anticipée puisse raviver les tensions ou encourager des actes similaires.
Dans quels cas peut-on être placé en détention provisoire ?
Détention provisoire et information judiciaire
L’information judiciaire, dirigée par un juge d’instruction, est l’une des procédures qui peut donner lieu à un placement en détention provisoire.
Après avoir interrogé la personne mise en examen, le juge d’instruction qui envisage une détention provisoire saisit, par une ordonnance motivée, le juge des libertés et de la détention (JLD).
Le JLD tient ensuite une audience publique durant laquelle la personne mise en examen, obligatoirement assistée de son avocat, peut présenter ses arguments. Le procureur de la République fait, quant à lui, ses réquisitions.
- Le saviez-vous ?
La personne mise en examen peut solliciter un délai pour préparer sa défense. Durant ce laps de temps, le JLD peut ordonner son placement en détention pour une période maximale de 4 jours ouvrables.
À l’issue du débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention peut :
- placer la personne mise en examen en détention provisoire ;
- la soumettre à une mesure de contrôle judiciaire ;
- décider d’une assignation à résidence sous surveillance électronique.
La décision du JLD est immédiatement notifiée au mis en examen et aussitôt mise à exécution.
La durée de la détention provisoire dépend du type d’infraction et des faits reprochés :
- Pour les délits, la durée de la détention provisoire est initialement fixée à 4 mois (6 mois pour les infractions de terrorisme), renouvelable sous condition. Elle ne peut excéder 1 an, sauf pour des affaires complexes (trafic de stupéfiants, terrorisme, etc.) où elle peut être portée à 2 ans.
- Pour les crimes, la détention provisoire peut durer jusqu’à 1 an, renouvelable par périodes de 6 mois, avec une limite de 2 à 4 ans selon la gravité des faits et la complexité de l’enquête.
Toute prolongation de la détention provisoire doit être décidée après débat contradictoire, par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention.
- Bon à savoir
Si le JLD ne prolonge pas la détention provisoire dans les délais impartis ou laisse passer les échéances de renouvellement, la personne mise en examen doit être libérée immédiatement. Cette libération est automatique si les délais légaux ne sont pas respectés, à moins qu’une autre mesure de privation de liberté ne soit ordonnée pour des raisons distinctes.
Détention provisoire et comparution immédiate
La comparution immédiate est une procédure rapide qui permet de juger une personne directement à sa sortie de garde à vue, lorsqu’il existe contre elle des éléments de preuve suffisants.
Cependant, il peut arriver que les débats ne puissent pas se tenir sur-le-champ ou que le prévenu sollicite le renvoi de l’affaire. Dans ce cas et dans l’attente du procès, une décision motivée du juge des libertés et de la détention peut placer le prévenu :
- en liberté sous contrôle judiciaire ;
- en détention provisoire.
- Bon à savoir
L’audience doit se tenir dans un délai maximal de 3 jours ouvrables à compter de la décision de placement en détention provisoire. Si ce délai n’est pas respecté, la personne doit être libérée. Une prolongation reste toutefois possible si la personne sollicite un report.
Détention provisoire et comparution à délai différé
La comparution à délai différé intervient lorsque, à la fin de la garde à vue, certains éléments d’enquête sont manquants ou que des expertises doivent être réalisées.
Le procureur peut alors solliciter un délai de 2 mois pour réaliser des actes complémentaires et demander au JLD de placer le prévenu en détention provisoire pendant cette période.
- Bon à savoir
Si le procès n’a pas lieu dans les 2 mois, la personne doit être remise en liberté.
Détention provisoire et CRPC
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou « plaider coupable », permet de juger rapidement un prévenu qui a reconnu les faits qui lui sont reprochés.
La question de culpabilité n’étant pas débattue, l’objet de cette procédure est principalement la peine, proposée par le procureur et acceptée, ou non, par le mis en cause.
Si ce dernier a besoin d’un délai de réflexion, son placement en détention provisoire peut être ordonné après saisine du JLD.
- Bon à savoir
Si la peine n’est pas acceptée ou confirmée dans les 20 jours suivant la détention, la personne doit être remise en liberté.
Non-respect d’une mesure de contrôle judiciaire ou d’ARSE
Une personne mise en examen qui ne respecte pas les obligations imposées par son contrôle judiciaire ou la mesure d’assignation à résidence sous surveillance électronique peut également être placée en détention provisoire.
Quels sont les recours en cas de placement en détention provisoire ?
Le prévenu ou l’accusé dispose d’un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision pour faire appel de l’ordonnance de placement en détention devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel.
Par ailleurs, pendant la période de détention, le détenu ou son avocat ont la possibilité de faire, à tout moment, une demande de mise en liberté. Le juge des libertés et de la détention doit alors statuer dans un délai de 3 à 5 jours.
Quid du placement en détention provisoire des mineurs ?
La détention provisoire des mineurs est strictement encadrée et n’est envisagée qu’en dernier recours, lorsqu’aucune autre alternative n’est possible :
- Les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent jamais être placés en détention provisoire.
- Pour les mineurs âgés de 13 à 16 ans, la détention n’est autorisée que pour des crimes ou délits graves, et pour une durée maximale de 6 mois.
- Les mineurs de 16 à 18 ans peuvent être détenus dans des conditions similaires à celles des adultes, mais la durée de détention est limitée à 2 ans.
Que se passe-t-il en cas de détention provisoire abusive ?
Malgré le cadre légal rigoureux qui entoure la détention provisoire, certaines personnes peuvent se retrouver détenues à tort. On parle alors de détention provisoire abusive. Aussi, si la procédure judiciaire se conclut par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, elles bénéficient d’un droit à réparation : il leur est possible de demander une indemnisation pour détention injustifiée.
Conséquences personnelles et professionnelles
- Atteinte à la vie privée et familiale : la privation de liberté avant jugement peut entraîner une rupture des liens familiaux, en raison d’un éloignement durable des proches. Cela peut provoquer des traumatismes psychologiques importants.
- Perte d’emploi et perte de chance : une détention provisoire, même temporaire, peut aboutir à une perte de revenus, voire à la perte de l’emploi, surtout si la détention dure plusieurs mois. Les employeurs peuvent parfois licencier un salarié en raison de son absence prolongée, avec des conséquences sur sa carrière et sa stabilité financière.
- Stigmatisation sociale : être placé en détention provisoire peut entraîner une stigmatisation, même en l’absence de condamnation. L’image de la personne peut être ternie, et cela peut affecter ses relations sociales, voire sa réputation dans sa communauté.
Réparation en cas de détention abusive
Pour obtenir réparation, la personne doit déposer une requête auprès du premier président de la cour d’appel compétente, avec l’assistance obligatoire d’un avocat. Si le montant des préjudices dépasse 10 000 €, il est possible de solliciter une expertise judiciaire pour évaluer les dommages avant l’introduction de la requête. Il est important de prouver que les préjudices découlent directement de la détention.
Bien qu’il s’agisse d’une mesure exceptionnelle, la détention provisoire peut s’avérer nécessaire pour garantir le bon déroulement de la procédure judiciaire, préserver l’ordre public, assurer la protection des témoins et des victimes et favoriser la manifestation de la vérité. Toutefois, en raison de la présomption d’innocence, cette privation de liberté est strictement encadrée par la loi et ne peut être décidée que dans des circonstances précises, après un examen attentif de la situation par le juge des libertés et de la détention. Garants de l’équilibre entre les impératifs de justice et les droits fondamentaux du prévenu, les différents recours permettent toutefois à la personne détenue de contester cette décision, de solliciter une mise en liberté ou d’obtenir réparation en cas de détention injustifiée. Avocat en droit pénal et procédure pénale, le cabinet Alter Avocats vous accompagne à chaque étape de la procédure pour vous assurer une défense efficace et vous conseiller sur vos droits en cas de détention provisoire.
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