Droit pénal des affaires : la responsabilité des dirigeants

La responsabilité pénale des dirigeants : comprendre les enjeux et prévenir les risques

Dans le cadre de leurs fonctions, les dirigeants d’entreprise endossent de nombreuses responsabilités. Certaines de leurs décisions ou de leurs actes sont en effet susceptibles d’engager leur responsabilité pénale et d’entraîner des conséquences graves pour l’entreprise, pour les tiers, mais aussi pour eux-mêmes. La responsabilité pénale du dirigeant, parfois méconnue et souvent sous-estimée, revêt pourtant une importance considérable. À l’intersection du droit pénal et du droit des affaires, elle soulève de nombreuses questions en termes de gestion des risques, de prévention et de protection personnelle. Sur quoi repose cette responsabilité ? Quelles sont les infractions susceptibles de la déclencher ? Et surtout, quelles mesures peuvent être prises pour la limiter ? Avocat pénaliste averti, Alter Avocats vous apporte des réponses. 

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Quels sont les fondements de la responsabilité pénale des dirigeants ?

 

La responsabilité pénale des dirigeants résulte de la commission d’actes ou d’omissions qui revêtent une qualification pénale. À la différence de la responsabilité civile, qui vise uniquement à réparer un dommage, la responsabilité pénale a pour but premier de sanctionner une atteinte à l’ordre public.

Pour qu’un dirigeant d’entreprise soit pénalement responsable, plusieurs éléments doivent être réunis :

  • Un élément légal : il doit exister un texte de loi qui sanctionne l’acte commis par le dirigeant.

 

  • Un élément matériel : le dirigeant doit avoir agi ou omis d’agir et avoir, par cette action ou omission, enfreint la loi.

 

  • Un élément moral : selon les cas, le dirigeant doit avoir agi intentionnellement (on parle de dol) ou par négligence (il s’agit alors d’une faute non intentionnelle). 



On distingue deux types de dirigeants : 

  • le dirigeant de droit est officiellement désigné par les statuts de l’entreprise ou par une décision des actionnaires ou associés. Il exerce ses fonctions conformément à un mandat clairement défini (gérant, président, directeur général, etc.) ;

 

  • le dirigeant de fait est la personne qui, sans titre officiel, assume en pratique des fonctions dirigeantes au sein de l’entreprise. Il prend des décisions stratégiques, gère la société et se comporte comme un véritable dirigeant, même s’il n’a pas été désigné comme tel dans les statuts.

Le dirigeant, qu’il soit de fait ou de droit, est concerné par cette responsabilité dès lors qu’il est impliqué dans la gestion courante de l’entreprise et que ses décisions influent directement sur son fonctionnement.

Quelles infractions sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale des dirigeants ?

De nombreuses infractions peuvent entraîner la mise en cause de la responsabilité pénale d’un dirigeant : 

  • L’abus de biens sociaux (ABS) consiste, pour un dirigeant, à utiliser les ressources de l’entreprise, qu’il s’agisse de biens matériels ou de fonds, à des fins personnelles ou dans l’intérêt d’un tiers. Ce type de comportement, qui constitue une forme d’atteinte à l’intégrité financière de la société, est susceptible d’entraîner de lourdes sanctions.

Un dirigeant utilise les fonds de l’entreprise pour financer des travaux de rénovation dans sa résidence personnelle et inscrit ces dépenses dans les comptes de la société sous de fausses prestations de services.

  • La banqueroute et les infractions similaires surviennent généralement en cas de gestion frauduleuse d’une entreprise en difficulté.

Une entreprise en difficulté financière cesse de payer ses créanciers, mais le dirigeant décide de vendre des actifs de la société à un prix dérisoire à une entreprise qu’il contrôle personnellement, avant de déclarer la faillite. 

  • L’escroquerie, le trafic d’influence, le délit de faux et usage de faux constituent des atteintes graves à l’ordre public qui peuvent engager la responsabilité pénale des dirigeants.

Un dirigeant qui falsifie des documents comptables et surestime les actifs de son entreprise pour obtenir un prêt bancaire plus important se rend coupable de faux en écriture comptable. 

  • La fraude fiscale : lorsque l’entreprise pratique une sous-déclaration de ses revenus, établit de fausses factures ou recourt à tout autre procédé frauduleux, son dirigeant peut être tenu pour responsable, même s’il n’a pas personnellement orchestré ces pratiques.

Le dirigeant d’une PME fait établir de fausses factures pour des services fictifs afin de réduire artificiellement les bénéfices déclarés à l’administration fiscale.

  • Le délit de blanchiment : quand un dirigeant participe directement ou indirectement au recyclage de fonds issus d’activités illégales, il peut être poursuivi pour blanchiment d’argent.

Un dirigeant accepte de recevoir sur les comptes de l’entreprise des fonds provenant de la vente illégale de biens, qu’il réinjecte ensuite dans des transactions commerciales légales pour les « blanchir ».

  • La violation des règles d’hygiène et de sécurité, le délit d’entrave, le harcèlement et le travail dissimulé : la protection des salariés sur leur lieu de travail est une obligation légale imposée à l’employeur. En cas de manquements, sa responsabilité pénale est susceptible d’être engagée.

Un chef d’entreprise de travaux publics décide d’ignorer les procédures de sécurité imposées sur un chantier afin de respecter des délais serrés. Un ouvrier se blesse gravement en tombant d’un échafaudage non sécurisé. Le dirigeant peut être tenu pénalement responsable.

  • etc.

Par ailleurs, il est important de souligner que la responsabilité pénale du dirigeant peut être mise en cause à double titre. Non seulement il peut être poursuivi pour des infractions qu’il a personnellement commises dans le cadre de ses fonctions de direction, mais il peut également être tenu responsable des actes de ses préposés. 

Cette exception au principe selon lequel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait », permet en effet de poursuivre un dirigeant lorsque l’un de ses subordonnés commet une infraction non intentionnelle dans le cadre de son activité. C’est ce que l’on appelle la responsabilité pénale du fait d’autrui.

Quelles sont les sanctions encourues par les dirigeants ?

Les sanctions liées à la responsabilité pénale des dirigeants peuvent être particulièrement lourdes : 

  • Les peines principales. Il s’agit, en règle générale, de peines d’emprisonnement et d’amendes dont le quantum et le montant varient en fonction de la gravité de l’infraction. À titre d’exemple, le dirigeant reconnu coupable d’abus de biens sociaux risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende (articles L241-3 et L242-6 du Code de commerce). 
  • Les peines complémentaires. Le tribunal peut également prononcer des peines complémentaires prévues à l’article L249-1 du Code de commerce (interdiction d’exercer une fonction publique, une profession commerciale, de gérer une entreprise, etc.).

 

Une condamnation pénale peut avoir de lourdes répercussions sur le patrimoine personnel du dirigeant et affecter sa carrière. Sa réputation comme celle de l’entreprise peuvent être durablement impactées.

Ces sanctions sont, en outre, cumulables avec les peines qui sanctionnent la responsabilité pénale de l’entreprise, personne morale.

Aussi, la prévention et la gestion des risques se révèlent, en la matière, essentielles.

Comment réagir face au risque de responsabilité pénale du dirigeant ?

Face à ces risques de mise en cause, les dirigeants d’entreprises doivent faire preuve de précaution. Ils disposent, pour cela, de plusieurs outils : 

  • Mise en place de programmes de conformité ou compliance : ce dispositif permet de s’assurer que l’entreprise respecte l’ensemble des lois et règlements applicables à ses activités.
  • Organisation de procédures internes : des audits réguliers et des formations sur les risques juridiques permettent d’anticiper les potentielles infractions. La rédaction de codes de conduite clairs et l’instauration d’une culture d’entreprise respectueuse des lois constituent de précieux remparts pour les dirigeants.
  • Utilisation de la délégation de pouvoirs : en attribuant certaines responsabilités à des personnes qui disposent de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour faire respecter la réglementation, le dirigeant peut limiter son exposition personnelle. 

Comment se défendre en cas de poursuites judiciaires ?

Lorsqu’un dirigeant se trouve pénalement poursuivi, plusieurs stratégies de défense peuvent être mises en œuvre :

 

  • démontrer l’absence d’élément intentionnel ou de négligence ; 

 

  • justifier d’une délégation de pouvoirs ;

 

  • évoquer la force majeure ;

 

  • etc.

 

En tout état de cause, qu’il s’agisse de prévenir le risque de faute susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant ou de s’assurer une défense solide en cas de poursuites judiciaires, il est vivement conseillé de faire appel aux services d’un avocat pénaliste.

 

  •  

La responsabilité pénale des dirigeants est un enjeu majeur pour les entreprises. Si certaines infractions relèvent de la simple imprudence, d’autres sont le résultat de décisions délibérées dont les conséquences peuvent être très lourdes. Aussi, il est impératif de prendre la mesure des obligations qui pèsent sur les dirigeants pour ne pas commettre d’erreur. Alter Avocats, spécialiste du droit pénal, vous accompagne pour anticiper les risques, mettre en place des mesures préventives et défendre vos intérêts. Un doute, une question ? Contactez-nous !